L’HISTOIRE ARCHITECTURALE DU RÉFECTOIRE DES CORDELIERS

Jusqu’à la seconde moitié du XXème siècle, très peu d’études architecturales avaient été faites sur le réfectoire des Cordeliers. De style gothique, le Réfectoire se démarque par son volume imposant dans un tissu urbain très dense.

Un édifice de près de 25m de hauteur

Malgré le manque de visibilité du bâtiment causé par la proximité de plusieurs constructions, le Réfectoire des Cordeliers se caractérise par des dimensions considérables avec près de 2 000 m² de superficie. Les 14 travées s’étendent en effet sur 56 m de long pour 16 m de large et près de 25m de hauteur.

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La tourelle d’angle donne une singularité particulière au bâtiment. Sa porte plus petite se distingue des deux grandes portes d’entrée qui mènent à la grande salle du rez-de-chaussée. Cet escalier desservait au Moyen-Age le dortoir du 1er étage et l’étage des combles.

A noter que la construction du Réfectoire a duré plus d’un siècle !

Une grande salle atypique

Des nombreux changements modifièrent l’aspect intérieur du bâtiment.
La grande salle du rez-de-chaussée impressionne par sa dimension unique : sans cloisons, sa superficie s’élève à 700 m² au sol.

Avant / après la réhabilitation du Réfectoire :

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Une rangée de poteaux en bois d’origine permet de séparer la salle en deux nefs. Ces poteaux rénovés certes partiellement donnent identité et caractère à cette salle. Les poutres datent également de la construction de l’édifice ce qui explique pourquoi ces poutres et les piliers ont pendant longtemps souffert du poids des étages supérieurs.

Les étages servaient de dortoir pour les moines et étudiants qui ont occupé le Réfectoire. Comme vestiges de ces passages, il subsiste de nombreux graffitis et témoignages des différents occupants sur les murs. Les espaces ont été cloisonnés au fur et à mesure des années pour séparer les différentes utilisations du lieu. Un grand comble sous la toiture servait de grenier aux habitants du couvent.

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Plan du couvent des Cordeliers, en 1774.

Des pierres tombales utilisées comme… marches d’escalier

Deux éléments se détachent de ce bâtiment : la tourelle d’angle qui abrite notamment l’escalier d’accès aux étages et la chaire du lecteur.
Les 22 premières marches de cet escalier ont la particularité de provenir de pierres tombales retaillées et dont certains sont encore ornées de motifs, gravures et illustrations. « Leur style pourrait les situer dans le courant du XIVème siècle » souligne l’archéologue Catherine Brut dans un diagnostic archéologique de 2002 mais aucune étude précise ne l’a encore confirmé. Ces pierres tombales représentent dans l’ensemble « des personnages aux mains jointes sous un baldaquin et sur un sol pavé ».

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La chaire du lecteur est dotée de décors datant du XVème siècle et ses bas-reliefs furent notamment rénovés à la fin du XXème siècle. Comme le souligne l’historien et architecte du bâti Christian Corvisier dans son étude sur l’histoire architecturale du lieu1, seul «le mode d’accès d’origine de la chaire du lecteur est inconnu ». Dans son diagnostic archéologique de 2002, Catherine Brut insiste sur la présence de « deux écus de chaque côté de la chaire du lecteur qui représentent pour celui de gauche les armes de Jeannes de Bourbon et pour l’écu de droite, les armes d’Isabeau de Bavière ».

L’architecture évolue selon les usages du bâtiment

Plusieurs éléments furent édifiés puis détruits depuis la construction du couvent et de l’église au XIIIème siècle. Ainsi une galerie fut présente le long du mur gouttereau2 sud entre 1538 et 1791. Cette galerie servait « d’allée de communication à couvert entre les bâtiments du couvent (notamment entre les dortoirs et le bâtiment des écoles de théologie) ». Un dortoir qui jouxtait le Réfectoire fut lui aussi détruit en 1791.

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Démolition de l’Eglise des Cordeliers, Pierre-Antoine Demachy 1795

Les arrivées des écoles de F. Belloni et de l’atelier mécanique de Jean-Tobie Mercklein entrainèrent elles aussi des changements dans l’architecture du Réfectoire avec le cloisonnement du rez-de-chaussée mais aussi des étages. Le mur de refend3 édifié dès 1806 fut détruit lors de la campagne de restauration de 1985.

L’architecte Alphonse de Gisors supervisa les travaux de 1835 et notamment la création d’une grande salle dans le Réfectoire pour les collections du musée Dupuytren, musée d’anatomie pathologique de la Faculté de Médecine.
Les années 1870 marquent l’arrivée dans le Réfectoire de la société de biologie et de l’institut de médecine coloniale. Ces arrivées entrainèrent des percées et des créations de portes et ouvertures donnant notamment sur la rue Racine.

Après avoir été classé Monument historique en 1905 (inscription à la liste des Monuments historiques en 1975), le Réfectoire des Cordeliers bénéficie d’une nouvelle restauration extérieure en 1929 avec « la réfection de la toiture, la suppression des souches de cheminées et le remplacement des tabatières et lucarnes du XIXème siècle ». Une restauration des fenêtres du 1er étage fut aussi réalisée durant les années 1930.

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Façade du Réfectoire des Cordeliers en 1903

Une dernière campagne de restauration fut démarrée en 1985 avec la destruction de toutes les cloisons datant du début du XIXème siècle et la « suppression complète des planchers des 2 étages de combles. Le seul élément conservé fut « le plancher du 1er étage soutenu par la file de piliers en bois du rez-de-chaussée.

La campagne de réhabilitation de 2015 portée par la RIVP est la plus ambitieuse jamais décidée pour le Réfectoire des Cordeliers. Les acteurs de ce projet ont voulu pérenniser durablement le bâtiment tout en respectant l’héritage historique et architectural du site. La mise aux normes de sécurité et d’accessibilité et le souci de réversibilité des apports contemporains ont permis aujourd’hui au Réfectoire de s’adapter à différentes configurations. Pour plus d’informations, consultez notre page dédiée au programme de rénovation.

1 « Expertise archéologique et histoire architecturale du bâtiment du réfectoire des Cordeliers, d’après les sources documentaires », Christian Corvisier. Juin-septembre 2014.
2 Gouttereau : Mur sur lequel s'appuie la base de l'égout d'un toit, avec ou sans gouttière ou chéneau.
3 Mur de refend : Mur porteur placé dans la structure.